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Marco Carbocci

Aujourd'hui, je vous partage mon interview avec Marco Carbocci écrivain, il écrit depuis plusieurs années.

C'est parce que je viens de terminer la lecture de son livre comportant deux nouvelles "Sur les épaules du fleuve" dont la chronique est ici, que j'ai proposé cet entretien à Marco Carbocci, pour en savoir plus sur lui-même. "De vous à moi" c'est un mélange de questions sur le passé, le présent et l'avenir de l'écrivain et c'est un partage en vous le confiant "De moi à vous". Bonne lecture !


Je viens de terminer "Sur les épaules du fleuve " publié en 2006 un livre de deux nouvelles que tu as écrit vers 20 ans , si tu avais un conseil ou quelque chose à dire à ce jeune homme aujourd'hui, tu lui dirais Quoi? (Chronique ici )

D'arrêter tout de suite l'écriture. Ce n'est pas une carrière. Ce jeune homme-là entamait à peine un parcours de philologue. Bientôt, (ses diplômes en poche tout de même), il renoncera à tout pour consacrer sa vie à l'écriture de fictions : exit la carrière peinarde à l'université, la vie de famille, un minimum de confort domestique. C'était manifestement un choix déplacé. Notre époque n'est pas faite pour la littérature. Le fast food et la télé réalité ont supplanté la gastronomie et le programme de qualité. C'est idem pour l’art de l’écriture. Nous avons désormais une littérature low cost et vouée au superficiel.

Tu as publié en 2017 "Molenbeek mythe et réalité, autopsie d'une mythologie commode". Quel souvenir gardes-tu de son écriture et de sa sortie ? (lien vers le livre ici )

Il fallait que je le fasse. C'était une sorte d'adieu au journalisme qui m'a occupé longtemps. (J’ai commis d’autres ouvrages de journalistes publiés en Belgique et désormais inaccessibles même sur Amazon) Bref ! J'envisageais sérieusement alors d'abandonner la fiction pour des ouvrages centrés sur la sociologie et la sémiologie. C'était peut-être une erreur, mais peu importe. Mon propos dépassait de très loin le contexte de Molenbeek... mais encore une fois l'éditeur a préféré jouer le buzz et la facilité. Ce qui s'est retourné contre lui et mon livre en définitive. Parce que Molenbeek avait cessé d’être un sujet porteur au moment de sa parution. Ma critique de la manière de gérer l'information ou l'énoncé d'une société de plus en plus vouée à l’obscurantiste (toutes chapelles confondues) l'étaient bien davantage. Mon point de vue cependant n'a pas été entendu. Le titre, choisi par l’éditeur, et la promo ont mis l’accent sur l’épouvantail Molenbeek. De l’intitulé que j’avais choisi, il ne subsiste que le sous-titre : « Autopsie d’une mythologie commode ».

Tu as terminé l'écriture de ton dernier roman "Les cendres du père " que tu publieras ou pas. Que souhaiterais-Tu partager avec le lecteur dans ce livre ?

Dans la mesure où, pour des raisons diverses, la décision s'est peu à peu imposée de ne pas le publier, je ne le partagerai qu'avec ma famille et mes proches. Mais je voulais y parler d'identité. D'une identité diffuse, loin des schémas béats ou au contraire du délire nationaliste. Une identité liée au respect de la terre et au souvenir. Je voulais évoquer aussi le rapport au passé. Le fait que seules les choses importantes demeurent et que la modernité, si décriée par les réactionnaires, n'est guère plus qu'un leurre. Que les choses subsistent tant que l'on se souvient et que celles que l’on oublie ne méritent simplement pas de subsister.

Dans tes différents écrits beaucoup de personnes de ton entourage sont présentes, ceci depuis "Les épaules du fleuve " cette envie de parler d'eux est-il à l’ origine de ton besoin d'écrire ?

Non. Ce sont plutôt les situations, les lieux et les contextes qui sont le moteur de cette écriture. Puis des personnages s'y dessinent et j'ai la chance d'avoir rencontré les gens qui s'inscrivent à la perfection dans ce schéma. Cela dit, je prends souvent des libertés avec leurs réalités intimes. Dans "Noir Occident", l’énorme roman sur lequel je travaille en parallèle depuis plus de dix ans, tous les personnages sont le fruit de mon imagination.

J’ai vu sur ton blog et tu partages sur ton twitter ta passion pour la photographie, qu'est-ce qu'elle t'apporte?

(lien vers le blog ici )

Oh, je fais de la photographie depuis mes 17 ans. Je dessinais aussi à l'époque, ai même commis quelques expos et commencé une Bd. J'ai progressivement tout lâché pour l'écriture. Car en vérité, ce blog était (je ne m'en soucie plus guère aujourd'hui) plus axé sur le texte que sur l'image : le texte me venait d'abord et je choisissais l'image en conséquence, peu importait ses qualités intrinsèquement photographiques. Je dirais en outre que ma sémantique de l'image est surtout une sémantique d'écriture. Je réfléchis l'image comme je réfléchis une situation d'écriture. Et de fait, je ne me considère nullement comme un photographe et refuse toutes propositions d'exposer.

Lorsque je lis ta bio, je constate que tu as effectué plusieurs jobs: professeur de lettres et de latin, dessinateur, chroniqueur littéraire et politique, éditorialiste, manœuvre, monteur à la chaîne, guide et traducteur dans un musée étrusque et auteur de nouvelles et de romans. Quel est celui qui t'as le plus passionné ?

À l’exception de l’écriture, la plupart, sinon tous, sont des jobs purement alimentaires. J'aime être prof : j'aime transmettre. Mais l'enseignement est une vocation à temps plein et je ne crois pas que l'on puisse assumer deux vocations en même temps. Quand je travaillais à l'usine en revanche, rien ne m'empêchait d'entretenir mes pensées dans ma bande et de conserver un carnet de notes sur le coin de ma machine. De là à dire que j'ai trouvé cela passionnant, il y a de la marge.

As-tu une citation ou un proverbe préféré ?

J'imagine que personne n'a une citation et un proverbe préféré à temps plein, que cela change en fonction du temps. En ce moment je reviens beaucoup sur cette phrase de Giacomo Casanova que j'ai notée quand j'avais une vingtaine d'années : "Je me suis aperçu sans rougir que je n'aimais plus personne ; mais notez que je rougis de ce que je ne rougis pas ; et cette érubescence secondaire me justifie vis à vis de moi-même, car des autres je ne me soucie pas."

Ton livre préféré ?

Là non plus, je ne conçois pas que l'on ait un livre préféré, ni même un auteur préféré. Il y a des auteurs que je ne cesse de relire : Pavese, Vittorini, Malaparte, Scott Fitzgerald, Hemingway, Giono. Je consulte énormément le dictionnaire philosophique de Voltaire. Je relis beaucoup de classiques : Homère, Plaute, Terence, Pétrone, des romans médiévaux, le Cardinal de Retz, les philosophes des Lumières, Restif de la Bretonne, Flaubert, Tourgueniev, Tolstoï... j'en ai passés au moins cent.

J’ai cru saisir que tu avais également un rapport très fort avec la musique ?

Bien sûr. Elle est même une condition essentielle pour entamer le processus d'écriture. Je suis l'aîné d'une famille nombreuse. Ado, si je voulais étudier ou écrire en paix, je mettais mes écouteurs. Je mets toujours mes écouteurs, je les ai en ce moment-même. Bon. Quand je me prépare pour une session d'écriture, je sélectionne la musique en amont pour y chercher les émotions que je veux transmettre. Et je suis capable de mélanger ces émotions, de les bousculer. Ainsi, je puis écrire un paragraphe sur le Requiem de Mozart et le relire avec les Sex Pistols. Dans l'écrit, le rythme est la chose essentielle à mon sens. Le style, ça ne signifie rien. Ma formation de philologue me portera à écrire spontanément dans un style soutenu. Ensuite, j'ai besoin des Pistols ou des Ramones pour casser ces phrases trop lisses et leur rendre une vraie cadence. Un souffle. Une vie.


J'ai demandé à Marco Carbocci une photo, une image importante pour lui, la voici :

Il nous raconte ce qu'elle évoque pour lui :


Choisir un objet ? Mince affaire dans le souk de livres, de disques et d’antiquités les plus invraisemblables que constitue mon appartement. Puis j’ai songé à une anecdote récente. Je ne sais plus trop pour quel usage, il me fallait une épingle à nourrice. J’ai fouillé toutes mes affaires avec une méticulosité d’archéologue. Pas d’épingle à nourrice ! J’ai mis la main en revanche sur cette fibule du 3ème siècle : l’équivalent de la fameuse épingle sous l’Empire romain. Total : il est plus facile de trouver une fibule romaine qu’une épingle dans mon entourage. Je crois que cela en dit assez long sur mon rapport à la consommation et au quotidien. Ça ne fait pas nécessairement de moi un dinosaure : je m’en tire sans souci quand il s’agit de remplacer une pièce dans mon pc et je possède le dernier cri de ce qui se fait en matériel photographique. Mais je n’ai l’usage ni de la télé, ni du téléphone. Le contemporain ne m’intéresse pas davantage que le Pléistocène. Mon époque, c’est l’histoire de l’humanité dans son ensemble, avec ses élans et ses défaites, ses volontés déçues et son chaos magnifique.


Un dernier mot ? Hum ! J’espère qu’il n’y aura jamais de dernier mot. Mais je tiens à remercier celles et ceux qui ont eu la courtoisie ou la patience de me suivre jusque-là. Et merci spécialement à toi, Christine. J’ai pu observer ta manière de faire : tu fournis un vrai travail de fond. Un boulot noble qui mérite d’être apprécié à sa juste valeur.

Voilà mon interview avec Marco Carbocci est terminée. Je remercie l'auteur d'avoir accepté de s'y prêter. Cet échange a été un réel plaisir, lorsque Marco parle c'est toujours avec sincérité et franchise. J' aime beaucoup l'écouter lorsqu'il raconte, dans ses écrits aussi car il a cette manière d'être proche et intéressant pour le lecteur. J'espère que vous aurez apprécié ces quelques lignes.





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