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Le Horla de Guy de Maupassant

"Qui est le Horla ?"


Cette semaine dans une salle d'attente, beaucoup de livres. Trois bibliothèques face à moi. J'étais en avance, peu importe, j'ai le temps, il y a de la lecture. Alors je passe ma main à travers les rangées. Regardant avec mon doigt les livres, je passe sur chaque dos du livre pour choisir celui qui m'accompagne durant quelques minutes.

Je le vois ! "Le Horla" de Maupassant, assez fin pour en lire assez, on y va...


Le livre que j'ai commandé, oui je n'avais pas terminé dans cette salle d'attente, est publié par Folio. Il comporte une préface de André Fermigier. La nouvelle, une chronologie sur Maupassant, la bibliographie puis il y a la première version de "Le Horla" publié un an plus tôt sous la forme d'un conte.


Résumé : Maupassant parle de folie, mais qu'est-ce donc la folie ?

Une impression ? Une réalité ?

Guy de Maupassant balade dans le raisonnement d'une incompréhension.




Mon Avis : Dans le préface de André Fermigier, celui-ci me dit que Maupassant a remplacé le surnaturel par l'anormal en racontant l'invisible, l'inconnu. C'est la définition du fantastique pour Maupassant.

André Fermigier confie l'internement de Hervé : le frère de Maupassant.

Pour lui, "Le Horla" c'est le "Hors-là" : celui qui est ailleurs, l'autre moi. Celui qui est invisible et que l'on ne voit pas.


Je commence la nouvelle de Maupassant, elle est datée, tel un journal intime. Quelques mois de voyage dans le fantastique. L'auteur écrit à la première personne, un "Je" qui dit une confidence, une confession.

Au début, il est heureux, le 8 Mai est un jour joyeux.


"Quelle journée admirable ! J'ai passé toute la matinée étendu sur l'herbe, devant ma maison, sous l'énorme platane qui la couvre, l'abrite et l'ombrage toute entière. J'aime ce pays, et j'aime y vivre parce que j'y ai mes racines, ces profondes et délicates racines, qui attachent un homme à la terre où sont nés et morts ses aïeux, qui l'attachent à ce qu'on pense et à ce qu'on mange, aux usages comme aux nourritures, aux locutions locales, aux intonations des paysans, aux odeurs du sol, des villages et de l'air lui-même."


Pourtant, quatre jours plus tard, il est envahi de tristesse.


"D'où viennent ces influences mystérieuses qui changent en découragement notre bonheur et notre confiance en détresse ? On dirait que l'air, l'air invisible est plein d'inconnaissables Puissances, dont nous subissons les voisinages mystérieux. Je m'éveille plein de gaieté, avec des envies de chanter dans la gorge.-Pourquoi ?-

Je descends le long de l'eau ; et soudain, après une courte promenade, je rentre désolé, comme si quelque malheur m'attendait chez moi.-Pourquoi ?- Est-ce un frisson de froid qui, frôlant ma peau, a ébranlé mes nerfs et assombrit mon âme ?"


Les jours suivants, cette impression de maladie, de fièvre, de mal-être ne s'améliore pas. Au contraire, il se sent en danger. La panique et l'énervement l'emportent. Les cauchemars et l'insomnie vont aggraver son cas. Il consulte, le médecin lui prescrit douches et boire du bromure de potassium (sel utilisé comme antispasmodique et sédatif).


"A mesure qu'approche le soir, une inquiétude incompréhensible m'envahit, comme si la nuit cachait pour moi une menace terrible. Je dîne vite, puis j'essaie de lire ; mais je ne comprends pas les mots ; je distingue à peine les lettres. Je marche alors dans mon salon de long en large, sous l'oppression d'une crainte confuse et irrésistible, la crainte du sommeil et la crainte du lit."


"Puis, je me couche, et j'attends le sommeil comme on attendrait le bourreau. Je l'attends avec l'épouvante de sa venue, et mon cœur bat, et mes jambes frémissent ; et tout mon corps tressaille dans la chaleur des draps, jusqu'au moment où je tombe tout à coup dans le repos, comme on tomberait pour s'y noyer, dans un gouffre d'eau stagnante. Je ne le sens pas venir, comme autrefois, ce sommeil perfide, caché près de moi, qui me guette, qui va me saisir par la tête, me fermer les yeux et m'anéantir."


Le délai des dates démontrent lorsqu'il y a une absence qu'il s'est engouffré dans un silence, dans sa solitude. Ne trouvant pas de réponse, à part ce mal-être toujours présent, il part. Je remarque que le fait de sortir l'aide à réfléchir, à penser. Plus que dans son milieu, son havre, sa prison.

Il rencontre un moine, échange avec lui sur les histoires, sur les croyances. Cela paraît assez incompréhensible pour Maupassant, si on croit c'est que l'on voit ?

Le moine lui répond une phrase qui change la perception de son idée : Peut-on tout voir ?

De retour chez lui, son mal-être réapparaît.


"Décidément, je suis repris. Mes cauchemars anciens reviennent. Cette nuit, j'ai senti quelqu'un accroupi sur moi, et qui, sa bouche sur la mienne, buvait ma vie entre mes lèvres. Oui, il la puisait dans ma gorge, comme aurait fait une sangsue. Puis il s'est levé, repu, et moi je me suis réveillé, tellement meurtri, brisé, anéanti, que je ne pouvais plus remuer. Si cela continue encore quelques jours, je repartirai certainement."


Il se retranche, encore et encore, seul dans sa solitude, son mal-être. Cette discussion avec le moine lui ouvre de nouvelles perspectives : quelque chose ou quelqu'un est là, autour de lui. Il fait une fixation sur ce qu'il se passe lorsqu'il dort. Est-il seul, vraiment seul ? Il fuit, c'est la respiration, le bien-être à nouveau. Puis, il revient dans son antre, celui là même qui lui est étranger parce qu'il est vide. Vide de sensation, vide de découverte, vide de communication. Il comprend alors, que seul, l'homme comble sa solitude par des interrogations sur ce qu'il ne comprend pas. Il entre dans un échange de questions/réponses avec lui-même et dont il ne sait que faire. Pire, il s'embrouille. Pour lui, la conclusion est : s'il ne comprend pas, c'est qu'il n'a pas vu. Mais cette chose est-elle physique ou intellectuelle ?

Il fait des va-et-vient entre l'extérieur et son appartement. Il découvre l'hypnose, pense alors que l'on peut être influencé par ce qui nous entoure. Voilà, la réponse est là, quelque chose l'influence dans son propre raisonnement. Il défie cette chose, elle l'attaque par des hallucinations. Le combat a commencé : c'est lui ou l'autre. Contre toute attente, avec l'acceptation que l'autre (l'invisible) existe, il se sent mieux. S'il résonne, c'est qu'il n'est pas fou !


"Des phénomènes semblables ont lieu dans le rêve qui nous promène à travers les fantasmagories les plus invraisemblables, sans que nous en soyons surpris, parce que l'appareil vérificateur, parce que le sens du contrôle est endormi ; tandis que la faculté imaginative veille et travaille."


Il reconnait qu'après l'acceptation qu'il n'est pas fou et qu'il sent une présence qui le rend moins seul, il décide vouloir partir. Il n'y arrive pas, et si il partait et que l'autre n'était plus là ? Qui le motiverait ? Qui l'accompagnerait ?

Il reste, mais le problème est qu'il ne se passe rien, absolument rien, plus rien même.

Celui qui vit avec lui, qui le poursuit, le rattrape c'est "Le Horla". Il le sait maintenant, c'est lui en invisible. Il doit s'en débarrasser pour retrouver sa liberté et ses envies car "Le Horla " n'est qu'ennui, déprime et perdition. Il brûle alors sa maison mais était-il vraiment seul ?


Ma conclusion : Il y a l'imperceptible, celui qui laisse au hasard et au suspens. Puis, il y a celui qui sait, qui comprend que tout est réalité et que son jour ultime arrivera.

Combat entre l'ignorance et le savoir ? Les deux sont un seul et même individu qui répercute ses envies, ses choix ou ses projets entre questions et réponses.

Il y a "Moi" qui pense et le "Moi" qui rêve. Il y a "l'autre" qui voit et "l'autre" qui sait.

Plus on avance dans l'âge ou dans la solitude , on se laisse glisser dans celui qui nous aider à ignorer. Ignorer que l'on est seul, ignorer que la mort existe. Mais s'approcher de lui, c'est savoir que l'on existe déjà plus.

La folie pour Maupassant est-elle le résultat d'un combat entre savoir et ignorer. La folie est elle le moyen de ne pas savoir et d'ignorer que l'on est seul, qu'un jour nous ne serons plus là. La folie pour lui est-il juste un choix de vivre selon son envie, celui de ne pas accepter la fatalité ou la raison. Alors qui bascule dans la folie, celui qui reste ou celui qui s'échappe ?


Ma note : 5/5


Pour se procurer le livre c'est ici



La nouvelle publié, dans la version d'un conte un an plus tôt, est le récit de "Le Horla" raconté par cet homme devant les médecins.

Le lecteur est donc cette fois dans l'assistance et non dans l'intimité du personnage.


Donc, il y a eu un an à l'automne dernier, je fus pris tout à coup de malaises bizarres et inexplicables. Ce fut d'abord une sorte d'inquiétude nerveuse qui me tenait en éveil des nuits entières, une telle surexcitation que le moindre bruit me faisait tressaillir. Mon humeur s'aigrit. J'avais des colères subites inexplicables ? J'appelai un médecin qui m'ordonna du bromure de potassium et des douches.     Je me fis donc doucher matin et soir, et je me mis à boire du bromure. Bientôt, en effet, je recommençai à dormir, mais d'un sommeil plus affreux que l'insomnie. A peine couché, je fermais les yeux et je m'anéantissais. Oui, je tombais dans le néant, dans un néant absolu, dans une mort de l'être entier dont j'étais tiré brusquement, horriblement par l'épouvantable sensation d'un poids écrasant sur ma poitrine, et d'une bouche qui mangeait ma vie, sur ma bouche. Oh ! ces secousses-là ! je ne sais rien de plus épouvantable.     Figurez-vous un homme qui dort, qu'on assassine, et qui se réveille avec un couteau dans la gorge ; et qui râle couvert de sang, et qui ne peut plus respirer, et qui va mourir, et qui ne comprend pas - voilà !     Je maigrissais d'une façon inquiétante, continue ; et je m'aperçus soudain que mon cocher, qui était fort gros, commençait à maigrir comme moi.     Je lui demandai enfin :     "Qu'avez-vous donc, Jean ? Vous êtes malade."     Il répondit :     "Je crois bien que j'ai gagné la même maladie que Monsieur. C'est mes nuits qui perdent mes jours."






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